Contrats pétroliers et gaziers :
Un mauvais compromis vaut-il mieux qu’un bon procès ?
Le cas Sangomar
Le gisement de Sangomar, dont la production a commencé en juin 2024 fournit environ 100 000 barils par jour de pétrole brut. On peut saluer la performance technique car la production est tout à fait conforme aux prévisions et féliciter les opérateurs Woodside et Petrosen qui détiennent respectivement 82 et 18 % des parts du champ.
Il y a bientôt un an l’état du Sénégal a imposé un redressement fiscal de 41,5 milliards de CFA (environ 62 millions d’Euros) à la société Woodside. Selon la Direction générale des impôts et des domaines, corps d’origine du Président Bassirou Diomaye Faye et du Premier Ministre Ousmane Sonko, Woodside n’aurait pas respecté une obligation fiscale relative à une obligation financière. Ce que conteste Woodside.
On se rappellera que le Président et le Premier Ministre ont de longue date annoncé vouloir renégocier les contrats qui lient les pétroliers à l’Etat Sénégalais. Mais le problème est complexe. Ainsi par exemple la signature du contrat de Sangomar en 2004 s’appuyait sur le code pétrolier de 1998, en vigueur à cette date mais depuis ce code a été modifié en 2019
Comme le soulignait Mamadou Gacko, avocat spécialisé en arbitrage international, l’affaire est technique et assez classique. Mais comme l’indique également Pape Mamadou Touré spécialiste de la régulation pétrolière internationale l’Etat du Sénégal est pris en tenailles entre les velléités légitimes de renégocier des contrats qui paraissent défavorables aux autorités et le souci d’attirer des groupes pétroliers. On rappellera que si entre 2014 (découverte de Sangomar) et 2015-2017 (découvertes de gaz par Kosmos au Sénégal et en Mauritanie) de nombreux gisements d’hydrocarbures ont été mis à jour, il y a à ce jour douze blocs pétroliers offshore qui cherchent preneur.
Pour tenter de résoudre le litige, la société Woodside a déposé une demande d’arbitrage auprès du Centre International pour le Règlement des Différends Relatifs aux Investissements (CIRDI).
Selon Malick Ndaw, ce contentieux illustre un point de tension classique dans les pays riches en ressources naturelles : comment augmenter les retombées économiques locales sans décourager l’investissement étranger ? Le Sénégal marche donc sur une ligne étroite : il cherche à affirmer sa souveraineté économique, tout en maintenant un cadre crédible et attractif pour les partenaires privés.
La stratégie Gas to power au Sénégal – GTA – Yakaar Teranga
Passons du pétrole au gaz. Les installations du gisement de gaz naturel Grand Tortue Ahmeyim au large de Saint Louis sur la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie ont livré leur première cargaison de GNL en mars de cette année. La production devrait atteindre 2,5 millions de tonnes par an (mtpa) dans un premier temps. Les phases 2 et 3 du projet devraient accroître cette production (jusqu’à 7 ou 10 Mtpa) mais le planning de la construction de nouvelles installations reste incertain.
En plus de la production de GNL, GTA, géré par un consortium réunissant BP, Kosmos et Petrosen coté sénégalais et BP, Kosmos, SMH coté mauritanien devrait livrer 300 millions de mètres cubes de gaz par an au Sénégal et une quantité équivalente à la Mauritanie. Au Sénégal ce gaz alimentera une importante centrale électrique d’une capacité de 255 MW près de Saint Louis (Ndar Energies).
La stratégie Gas to power du Sénégal, qui est un des axes essentiels du développement du pays, repose sur la construction de nouvelles centrales au gaz et sur la conversion du fuel lourd au gaz de plusieurs centrales existantes. Mais cette stratégie suppose le développement et la production de l’autre grand gisement de gaz sénégalais : Yakaar Teranga. Ce gisement découvert par Kosmos devait être développé par le même consortium que celui qui a développé GTA. Mais BP s’est retiré du projet laissant Kosmos et Petrosen seuls partenaires. Une nouvelle compagnie pétrolière capable d’assurer le développement du projet était attendue mais Kosmos et Petrosen viennent d’annoncer un report du projet faute d’accord sur le schéma technique et sans doute en raison de l’importance de l’investissement à prévoir, difficile à financer compte tenu en particulier de la situation financière du Sénégal.
Retour sur le SIEPA
Le SIEPA qui s’est tenu les 6 et 7 mai à Dakar a rencontré un vif succès.
Le Ministre Monsieur Birame Souleye DIOP a chaleureusement remercié les organisateurs et transmis les salutations du Président de la République et du Premier Ministre. Il a insisté sur les progrès réalisés récemment au Sénégal en particulier en matière d’accès à l’électricité. L’accès universel arrivera dans les prochaines années.
Monsieur Alioune GUEYE, Directeur Général de Petrosen Holding, a insisté sur les problèmes de financement des projets hydrocarbures. Pour le gisement Yakaar Teranga dont la mise en production est nécessaire pour pleinement réaliser la stratégie Gas to Power, il lance un appel à l’épargne locale et à l’épargne de la sous-région.
Monsieur Mamadou Abib DIOP, Directeur Général de la SAR a rappelé les objectifs de la SAR : projet SAR 2.0 qui vise à accroître les capacités de traitement pour faire face à une demande rapidement croissante (la SAR ne couvre que la moitié du marché intérieur actuellement), production de bitumes, production de plastiques, production de soufre, production de lubrifiants. Projets ambitieux qui sont dans la ligne des perspectives des nouvelles autorités.
Plusieurs sessions ont été consacrées à la formation, au contenu local, à l’électricité aux énergies renouvelables. Elles ont donné lieu à des débats animés.
Jean-Pierre Favennec
Président
Association pour
le Développement
de l'Énergie en Afrique